Point de vue

Réemploi : opportunité créatrice et de valorisation des compétences

La raréfaction des ressources de matières premières et l’accumulation des déchets rendent au réemploi sa place logique dans le monde de la construction. Les aspects technique, réglementaire ou assurantiel sont au centre du débat. Nous voyons également le réemploi comme une opportunité de créativité et de valorisation des compétences des acteurs, qui génère également une esthétique qui reste encore à faire accepter.

Différentes réutilisations de bardage bois
Différentes réutilisations de bardage bois - Crédit photo: Etamine

Avec la démultiplication des réalisations intégrant du réemploi, la destination et l’usage d’un même matériau initial prend des formes nouvelles et inattendues.

De nouvelles techniques voient le jour pour permettre de réutiliser ce qui était jusqu’alors considéré comme des déchets.

Opportunité de création et d’originalité

Bois brulé issu du réemploi en bardage
Bois brulé issu du réemploi en bardage - Crédit photo : Urban-Act architectes

La mise en œuvre de matériaux de réemploi peut se faire en ayant recours à une transformation ou un façonnage des matériaux suite à leur dépose.

Cette stratégie permet ainsi d’imaginer une utilisation très différentes de celle précédente, elle peut également être un moyen d’harmoniser des matériaux provenant de différentes sources.

La technique du bois brulé, utilisable en bardage par exemple, est une parfaite illustration d’un traitement qui permet d’homogénéiser un ensemble de produit potentiellement disparate. L’on pourra ainsi aisément s’approvisionner auprès de différentes provenances tout en obtenant un ensemble homogène.

Cette étape de façonnage permet une conception plus anticipée, mais peut-être également plus rigide avec la recherche d’une esthétique souhaitée et imaginée a priori.

A l’inverse, l’intégration des matériaux de réemploi peut prendre le parti de rompre avec les codes esthétiques standardisés des produits manufacturés. Des réalisations alors beaucoup plus affirmatives assument pleinement la visibilité des matériaux de réemploi et leur disparité.

La Fédération ENVIE est une structure associative œuvrant dans la réparation de matériels électriques. Leur siège Envie Le Labo dans le 20ème arrondissement de Paris affiche fièrement son bardage calepiné à partir de fin de stocks de bois de l’entreprise et des cloisons vitrées intégrant des hublots de machine à laver.

Siège de la Fédération Envie
Siège de la Fédération Envie – MOE : Urban-Act architectes - Crédit photo : Urban-Act architectes
Resource Raws, Oerestad, Copenhague – LENDAGER Architectes
Resource Raws, Oerestad, Copenhague – LENDAGER Architectes - Crédit photo : LENDAGER Architectes

L’opération Resource Raws à Copenhague utilise des pans d’anciens murs en brique qui habillent les façades de cette résidence.

Généralement, l’utilisation de brique provient de gravats suite à une démolition. La perte en matière est assez importante puisque le mortier est plus résistant que la brique en elle-même.

Ici, les murs en brique ont été sciés en module de 1m de côté , pour être ensuite assemblés dans des cadres métalliques. Le process de valorisation est

pensé pour son efficacité puisqu’il se dispense de nombreuses étapes intermédiaires (tri des briques et calibrage des briques, mise en œuvre simplifiée…), et permet ainsi un gain de temps et de carbone très important.

Loin de former un patchwork décousu, le défi relevé abouti à une cohérence d’ensemble, avec un détail de façade qui alterne à chaque pas de porte.

Ces quelques exemples montrent déjà un large éventail des possibilités de rendu qu’offre le réemploi. Les réalisations sont toutes uniques et originales.

Si cette altérité des rendus par rapport aux perspectives de concours léchées, tend à être acceptée pour des revêtements extérieurs ou des localisations secondaires (rangements, sanitaires…), elle reste encore largement questionnée pour les produits de finitions intérieurs.

L’acceptation esthétique et assumé du réemploi de manière visible sera surement un des derniers freins à la massification de cette démarche, pour que le réemploi ne reste pas cantonné aux réalisations emblématiques et manifeste (Pavillon circulaire, façades du Conseil Européen, ferme du Rail, halle de Colombelles, etc…) ou se limite aux matériaux extérieurs.

Pour ce faire, les maitrises d’ouvrages devront adopter une posture d’ouverture d’esprit, et faire confiance en la compétence des acteurs qui les accompagnent tout au long de leur projet.

Les maitres d’œuvre devront eux faire preuve de flexibilité, et être en mesure d’élaborer une conception qui accepte une part d’inattendu. La mise au point des détails ou des plans de calepinage se faisant en fonction d’un stock de matériaux disponibles ou non au moment souhaité et en fonction de ses caractéristiques.

Remettre au centre la compétence des acteurs

Les acteurs restent évidemment déterminants quant à réussite de la mise en place de matériaux issus du réemploi. Un diagnostiqueur compétent avec des connaissances en réemploi, des équipes MOA et MOE motivées, formées et convaincues formeront un terreau fertile au réemploi ; sans parler de l’implication des bureaux de contrôle et des assurances le plus en amont possible.

Au-delà, la mise en œuvre de matériaux de réemploi remet au centre le savoir-faire des acteurs.

La qualité du diagnostic ressource dans son niveau de détail sur les caractéristiques des éléments et les potentiels de réutilisation possibles sera un apport déterminant pour la suite de la démarche.

L’intelligence de conception du maitre d’œuvre se doit d’être décuplée, en s’adaptant en fonction d’un matériau donné, avec ses qualités et ses imperfections. En sachant adapter des détails en fonction d’un état de surface ou de dimensions différentes de ceux envisagés.

Les artisans sont également revalorisés en remobilisant leurs compétences et leur connaissance de tel ou tel matériau. En faisant le pari d’une mise au point en chantier qui fera émerger une esthétique unique et sur-mesure.

Enjeux

La filière de réemploi de matériaux de construction est aujourd’hui en cours de structuration et doit faire face à de nombreux défis.

La massification de la pratique doit passer notamment par une réelle compétence à l’étape du diagnostic pour caractériser la ressource, élaborer des processus techniques reproductibles d’une opération à l’autre et de simplifier l’approbation au niveau assurantiel.

Etamine au travers de ses interventions dans les missions tâche de faire progresser ces différents aspects.

L’évaluation de l’économie en termes d’impact carbone et de dépense énergétique est également une de nos ligne directrices de travail.

A ce titre, il nous semble important de veiller à ce que l’étape de transformation pour permettre le réemploi d’un élément soit la plus simple possible, sans quoi le réemploi pourrait aller à contresens de la logique de sobriété.

Lexique

Déchet, réemploi, recyclage, up cycling… il y a de quoi se perdre avec le lexique de l’économie circulaire. Voici donc quelques définitions issues du code de l’environnement pour y voir plus clair :

Réemploi : Toute substance ou produit qui n’est pas un déchet et qui est réutilisé pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu.

Déchet : Tout résidu abandonné. Composants majoritairement issus de démolition et mis à la benne. Lorsque le matériau acquiert le statut de déchet, plusieurs solutions de valorisation sont possibles : recyclage ou réutilisation.

Réutilisation : Toute substance devenue déchet et utilisée à nouveau.

Recyclage : Opération de valorisation des déchets.
La valorisation énergétique des déchets, de la conversion des déchets en combustible ou de remblayage ne peuvent pas être qualifiées d'opérations de recyclage.

(extrait de l’article L541-1-1 du Code de l’Environnement)