Point de vue

RE2020 : Quel cap pour la performance énergétique ?

Les arbitrages en cours sur la future Règlementation Environnementale RE2020, qui remplacera la RT 2012, suscitent de nombreux débats.

Malheureusement, ces débats techniques ne sont pas toujours intelligibles pour l’ensemble des acteurs de la construction, concernés au premier plan. Nous prévoyons de donner des éléments d’éclairage réguliers, et commençons ici par le sujet de l’évaluation de la performance énergétique.

RE2020 #1 ?
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L’indispensable raisonnement carbone

L’expérimentation E+C-, qui préfigure la RE2020, a introduit pour la première fois l’évaluation de l’ « impact carbone » , ou « impact sur le changement climatique » des constructions neuves, de sorte qu’elles soient positionnées par rapport aux engagements nationaux (cf. Stratégie  Nationale Bas Carbone).

Cet impact carbone (C), dans les bâtiments, a deux composantes principales :

  • l’impact carbone lié aux produits de construction
  • l’impact carbone lié à l’énergie consommée dans le bâtiment pendant le temps de son utilisation (50 ans par convention)

Dans E+C-, un objectif est fixé pour encadrer ces deux composantes, avec des seuils maximum pour les matériaux (Eges,PCE) et pour les émissions totales (Eges,tot). Le respect de chacun de ces deux seuils (exprimés en kgeqCO2/m²) est nécessaire pour justifier la note « C » du projet.

Faut-il alors délaisser l’indicateur Energie E ? Non, car le choix d’énergies bas carbone ne doit pas affranchir les concepteurs de l’obligation de réduire les besoins et les consommations en énergie finale des bâtiments. Pour illustrer la problématique, le schéma ci-après fait le point sur les différentes formes de l’énergie dans les bâtiment, et leur encadrement dans E+C-.

Ainsi, il n’existe pas d’objectif quantifié pour l’énergie finale (EF), tandis que l’impact environnemental d’une consommation énergétique est évalué à la fois via l’Energie Primaire (EP) et l’Impact Carbone (Eges). Comment alors assurer que le triptyque des priorités Sobriété, Efficacité, Bas Carbone soit appliqué dans cet ordre ?

La nécessaire analyse énergétique

analyse énergétique

L'impasse de l'énergie finale

Le bâtiment utilise de l’énergie de différentes natures pour son approvisionnement en chaleur et en électricité. Or il n’est pas possible de fixer dans la règlementation une cible par type d’Energie Finale (EF) sans générer de biais dans l’évaluation de systèmes de chauffage de type base + appoint, ou encore des systèmes de ventilation qui impactent à la fois les besoins de chauffage et les consommations d’électricité, etc.

Il n’est pas non plus possible d’agréger plusieurs types d’énergies différentes sans tenir compte des pertes du système énergétique. Un indicateur unique tous usages exprimé en énergie finale est donc exclu : c’est bien pour cela que la règlementation thermique a introduit la notion d’Energie Primaire (EP).

Atouts et défauts de l'énergie primaire

La consommation en Energie Primaire (EP) du bâtiment reflète à la fois l’efficacité des systèmes techniques installés et la nature de l’énergie utilisée pour les faire fonctionner.

Pour une source donnée, l’Energie Primaire (EP) valorise donc les systèmes présentant les meilleurs rendements, ce qui permet par exemple de favoriser les pompes à chaleur par rapport aux convecteurs électriques ou les chaudières à condensation par rapport à des chaudières à faible rendement.

Mais lorsqu’il s’agit de comparer des sources d’énergie différentes, le double regard « Impact Carbone »  et « Energie Primaire » génère une injonction contradictoire : suivant l’indicateur observé, les sources d’énergies « performantes » ne sont pas les mêmes!

La RT2012, qui a pris l’énergie primaire en référence,  a ainsi favorisé le développement de solutions de production au gaz naturel,  alors que l’indicateur carbone est plus favorable à la biomasse et à l’électricité.

Comparaison EP / impact Carbone

Recommandations

Au moment où les pouvoirs publics finalisent les arbitrages sur la RE2020, nous pensons indispensable que ceux-ci assurent l’équilibre suivant, de sorte à montrer clairement aux concepteurs de bâtiments neufs la voie de la neutralité carbone :

  • Le système de production de chaleur du bâtiment doit être « bas carbone » avant d’être à « basse énergie primaire ». Pour cela, il est crucial que la RE 2020 prévoie un indicateur d’émissions GES portant spécifiquement sur l’énergie (et non pas uniquement un indicateur global agrégeant les contributeurs construction et exploitation). La cible définie pour cet indicateur d’impact carbone en exploitation doit être suffisamment restrictive pour dissuader la mise en œuvre d’énergie fossile sur les projets de bâtiments neufs !
  • L’énergie primaire reste indispensable pour évaluer la performance des systèmes techniques du bâtiment, indépendamment de la nature de l’énergie utilisée. Il n’est pas souhaitable qu’un bâtiment ayant accès à une énergie bas carbone bénéficie d’un quelconque «droit à consommer », une sobriété maximale devant être recherchée par tous, pour respecter effectivement les engagements politiques de la France et de l’Europe (Nearly Zero Energy Buildings Directive).