Qualité de l'Air Intérieur (QAI) : quelles bonnes pratiques, de la conception à l'exploitation ?
La qualité de l’air intérieur est un enjeu de santé publique, dont la prise de conscience a émergé en parallèle du retour d’exploitation de bâtiments énergétiquement performants.
Dans ces bâtiments, l'étanchéité à l'air est très bonne et l’optimisation du renouvellement d’air hygiénique a parfois été réalisée au détriment de la santé des occupants. Aujourd’hui, les progrès sur les mesures en exploitation comme sur les modèles de prévision ouvrent la voie à des engagements de performance sur ce sujet, intégrés aux certifications WELL, OsmoZ ou intAIRieur. En parallèle, l’ADEME expérimente actuellement une méthode de management de la qualité d’air (MANAG’R) sur des projets pilotes : l’occasion pour ETAMINE de revenir sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre de la conception à l'exploitation !
En conception
Une analyse fine de l’environnement du projet est la première opération à conduire : le niveau de polluants dans l’air extérieur permet de déterminer la nécessité d’une filtration de l’air neuf, celle des vents dominants l’emplacement judicieux des prises d’air, celle du sol la prévention d’une contamination au radon…
Le contexte normatif autour de la ventilation se renforce : la norme ISO 16890, plus exigeante sur le classement des filtres tend à remplacer la norme EN 779:2012 : l’objectif est de lutter de manière plus efficace contre les nanoparticules qui peuvent traverser les barrières du corps et atteindre le cerveau. Une anticipation de l’accès aux centrales, réseaux et terminaux pour la maintenance est également indispensable pour autoriser une bonne qualité d’air en exploitation.
La question d’une juste gestion de la ventilation en fonction de la QAI se pose, pour trouver un équilibre entre efficience et suréquipement du bâtiment en capteurs de polluants et registres motorisés : les solutions « low tech », comme le voyant qui signale qu’il serait bon d’ouvrir les fenêtres, sont perçues comme anxiogènes. D’un autre côté, la durée de vie sans défaut de solutions toutes automatiques pose question, tout comme le bénéfice environnemental général de ce suréquipement.
Les labels environnementaux
Le choix de matériaux en contact avec l’air intérieur bénéficiant d’un label environnemental permet de limiter les émissions de COVt et formaldéhyde. Le label garantit une évaluation indépendante, quand l’étiquette santé (obligatoire en France) reste une auto-déclaration. Encore faut-il savoir s’orienter dans l’offre de labels, qui proposent des garanties différentes, parfois déclinées d’un produit à l’autre pour un même label : à titre d’exemple, le label GUT est à privilégier pour les moquettes ; le label Indoor Air Confort Gold constitue une référence, mais peu de produits sont encore certifiés.
Enfin, des logiciels de simulation de la QAI en exploitation émergent : en tenant compte de la qualité d’air extérieur, du système de ventilation, des matériaux mis en œuvre et des activités de l’occupant ils permettent de vérifier l’atteinte des objectifs : des outils à suivre de près !
En phase chantier
Une Charte Chantier adaptée permet d’orienter la réalisation vers des pratiques compatibles avec une bonne QAI :
- Stockage adéquat des matériaux poreux, sensibles à l’humidité ou dangereux.
- Zones protégées dédiées aux activités émettrices (zones de découpe et/ou de mélange).
- Les gaines de ventilation arrivent bouchonnées sur le chantier.
- Justification de la classe d’étiquetage des produits vis-à-vis des préconisations de conception (via rapport d’essai ou attestation fournie par un laboratoire indépendant).
Le suivi de l’humidité (tests à l’appui) des matériaux mis en œuvre est également primordial, à la fois pour limiter la propagation de moisissures mais aussi afin d’éviter l’émission de polluants secondaires lors de la pose des revêtements de sol par exemple. Le respect des temps de pose s’impose !
A réception
Le nettoyage des réseaux et le remplacement des filtres est un préalable indispensable à la réalisation des tests de contrôle. Différents tests à réception permettent alors de s’assurer d’une bonne étanchéité à l’air du bâti et des réseaux. Ce dernier point, parfois épineux à atteindre, peut être corrigé en fin de chantier par la pulvérisation d’un gel (Mez Aeroseal de la société Mez Technik), afin de combler jusqu’à 90% du débit de fuite du réseau aéraulique.
La règlementation oblige progressivement les ERP à mettre en œuvre des bonnes pratiques pour la QAI (suppression de l’obligation de mesures si l’on suit les mesures de préventions de la QAI). Les polluants ciblés sont le benzène, le formaldéhyde, et le CO2 (et le tétrachloroéthylène si l’on se trouve à proximité d’un pressing). Un guide de bonnes pratiques propose différents matériels de mesures. Le protocole HQE Performance pour les autres typologies de bâtiments élargit le spectre des polluants à mesurer (dioxyde d’azote (NO2), monoxyde de carbone (CO), 5 COV majoritaires, particules PM2.5 et radon) et décrit le protocole à suivre.
En exploitation
Les utilisateurs et gestionnaires doivent être sensibilisés : adéquation de la ventilation avec les usages (ventilation lors du nettoyage des locaux), mobilier et remplacement des matériaux selon un cahier des charges visant la qualité intérieure de l’air (Ecolabel européen, NF Environnement Ameublement). Le changement des filtres et la maintenance des réseaux de ventilation doivent s’opérer selon les prescriptions réalisées en amont.
Les nouveaux matériaux et technologies innovants en QAI font appels à des matériaux dits actifs, permettant par diverses réactions de capter durablement les polluants. Les nanoparticules (dioxyde de titane TiO2 et nano argent) rentrent souvent en jeu pour leur propriétés autonettoyantes, antibactériennes, etc. (cas du béton et vitrages autonettoyants). Le TiO2 est cependant classé possible cancérigène pour l’homme (cat 2B) et le principe de précaution voudrait qu’on l’exclue des bâtiments sains !