Point de vue

Le retour du label "PassivHaus" : un standard adapté au bâti de demain ?

Le label allemand PassivHaus, défini il y a 30 ans, fait un retour en force dans les programmes environnementaux des constructions neuves.

Ce regain d’intérêt semble guidé par l’assurance d’une performance effective du bâti réalisé, que les exigences des labels associés à la RT2012 peineraient à garantir. Alors, le PassivHaus, bonne garantie d’une réalisation performante ?

retour PassivHaus
PASSIVHAUSS
Les différents niveaux du standard PassivHaus

Une certification de la performance énergétique du bâti

Le référentiel PassivHaus pour les bâtiments neufs, restructuré en 2016, se décline dorénavant en différents niveaux de performance :  Bâtiment Passif « Classic », « Plus », « Premium ». Dans tous les cas, les exigences fondamentales du label sont communes, avec notamment :

  • Des besoins de chauffage < 15kWhEU/m²SRE*/an
  • Une consommation totale d’énergie < 120 kWhEP/m²SRE/an
  • Une perméabilité à l’air de l’enveloppe n50 < 0,6 vol/heure
  • Une fréquence de surchauffe sans climatisation (T > 25°C) inférieure à 10% des heures de l’année

Aux niveaux « Plus » et « Premium », des minimas de production énergétique in situ sont requis en complément.

Ces exigences ne sont pas modulées suivant les zones climatiques. Une exigence complémentaire sur les besoins et/ou puissances de refroidissement fait elle l’objet d’une modulation climatique, suivant 7 zones de climat mondiales.

(*) Surface de Référence Energétique

Une certification qui peut être "rentable"... Si les besoins de chauffage du projet sont effectivement un enjeu prépondérant

La certification Passivhaus, par la formulation de ses exigences, impose un travail approfondi sur le bâti, que la performance des systèmes techniques ne peut jamais « compenser », contrairement aux postulats retenus par la RT2012. De fait, la « recette » d’un bâtiment certifié Passivhaus est connue en climat frais ou tempéré : il s’agit de cumuler forte épaisseur d’isolation, traitement approfondi des ponts thermiques, vitrages ultra performants, le tout associé à une ventilation double flux. Ces dispositions génèrent des surcoûts de construction par rapport à un niveau « RT2012 », à mettre en regard d’économies prévisionnelles sur le poste chauffage. Elles entrainent une qualité de réalisation souvent remarquable, guidée par l’exigence ambitieuse d’étanchéité à l’air.

Ainsi, la démarche s’avère d’autant plus pertinente que les besoins de chaud initiaux sont élevés, soit davantage en zone climatique froide, et davantage pour l’habitat que pour les projets tertiaires.

Illustration de la rentabilité économique d’une maison passive par rapport à une maison basse énergie. Source :  la Maison passive.
Illustration de la rentabilité économique d’une maison passive par rapport à une maison basse énergie. Source : la Maison passive.
Zones climatiques Paussivhaus
Zones climatiques considérées dans le référentiel Passivhaus et localisation associée

Importance d'une réflexion "bioclimatique" contextualisée

Investir dans la réduction maximale des besoins de chaleur à tout prix n’est de fait pas un calcul valable sur tous les projets/climats, et la « recette Passivhaus » peut s’avérer contreproductive dans certains cas. Ainsi, par exemple  :

  • Surisoler le bâti ne constitue pas intrinsèquement une bonne garantie de se protéger de la chaleur en été : en effet, en été, les dégagements de chaleur liés à l’occupation des bâtiments sont en eux-mêmes source de surchauffe, et un « thermos » aura davantage de difficultés à les évacuer ;
  • Concentrer la conception sur l’enveloppe thermique tend à rendre invisible l’intérêt climatique de dispositifs « internes », comme les refends à forte inertie, ou à forte régulation hygrométrique ;
  • L’homogénéité de la définition du confort d’été (moins de 25°C) est peu adapté aux climats chauds. Elle ne tient pas compte de la notion de confort adaptatif, ou de l’effet d’un brasseur d’air ;
  • Quant à la ventilation double flux, dès que le climat est tempéré, la surconsommation associée à la présence de 2 ventilateurs n’est plus compensée par les économies de chauffage. Et le potentiel d’utilisation du système en mode « rafraîchissement » reste modeste si on s’en tient aux débits hygiéniques.

Ajoutons que, dans toutes les régions, le bâti conçu aujourd’hui doit être capable de faire face à des situations climatiques exceptionnelles de grand froid comme de canicule, dont les occurrences se renforcent partout en France.

Par ailleurs, au-delà de l’aspect climatique, les standards d’isolation passifs ne sont pas toujours compatibles avec l’emploi de matériaux isolants locaux et à moindre impact carbone, et dont l’intérêt climatique estival est mal valorisé.

Pisé
Un exemple de projet avec enveloppe thermique en terre crue, dont les caractéristiques environnementales et énergétiques ne sont pas valorisables au sens de Passivhaus.

Vers de nouveaux outils d'étalonnage de la performance du bâti ?

L’urgence climatique impose de changer radicalement et de façon ambitieuse notre façon de concevoir notre cadre bâti. Le label Passivhaus a fait la démonstration de sa capacité à générer des bâtiments qualitatifs, qui franchissaient un cap par rapport aux standards règlementaires.

Cependant, le focus prioritaire qu’il propose sur la réduction des besoins de chaud n’est plus une réflexion suffisante pour parvenir à une conception énergétique pertinente, et ce sur l’ensemble du territoire métropolitain. D’autant que dans le même temps, la conception énergétique ne peut plus seule constituer un objectif : les logiques territoriales, les préoccupations de bas carbone et de biodiversité nécessitent d’élargir le regard porté sur les choix constructifs.

En ce sens, des démarches plus holistiques et moins cadrées, telles que BDM, BDF, ou encore « le Manifeste pour une frugalité heureuse et créative » ont l’intérêt d’être déclinables sur mesure pour chaque projet. Elles sont propices à susciter chez les acteurs du bâtiment une émulation créative, émulation qui serait d’autant facilitée en déclinant quelques objectifs opérationnels partagés, comparables et quantifiables : une voie à explorer ?