Ydéal Confluence : une enveloppe thermique en pisé pour un bâtiment économe en énergie
La terre crue est matériau de construction intrisèquement bas carbone. Mais sa pertinence énergétique est moins documentée : nous proposons d’illustrer son intéret à travers l’étude d’une réalisation lyonnaise.
Le bâtiment 5 de l’îlot Ydeal Confluence sur la ZAC 2 Lyon Confluence est un bâtiment de bureaux d’environ 1000 m² en R+2, actuellement en chantier. Conçu pour le compte d’OGIC par l’agence Clément Vergély architectes, accompagnée des bureaux d’études Batiserf, Scoping et Etamine, il ambitionne d’être un démonstrateur autour de l’usage des matériaux biosourcés. Sa particularité principale est une enveloppe thermique constituée de murs massifs en pisé non isolés, fabriqués par l’entreprise Le Pisé, Nicolas Meunier.
Local et Bas Carbone
Le choix d’une solution constructive en terre crue s’est imposé dès les phases initiales de conception : cette solution constructive, courante dans le bâtiment vernaculaire de la région, mobilise des ressources ultra-locales, et ne génère aucun déchet en fin de vie, la terre crue redevenant alors… de la terre.
Sur le projet, la terre crue représente 40 % de la façade en surface, pour une épaisseur de mur variant de 80 cm pour les piles à 50 cm en partie courante. Le reste des façades est constitué de murs à ossature bois (25%), de menuiseries bois aluminium (32%) et de pieds de piles en pierre locale (3%). La terre a été prélevée sur un chantier de terrassement situé à Saint-Quentin-Fallavier (38), soit à moins de 30 kms du site, la terre de la parcelle de projet étant trop polluée pour être utilisable. Le matériau est ensuite stocké sur une aire de préfabrication à proximité immédiate du chantier. Simplement protégé des intempéries, il ne fait l’objet d’aucun additif. Les blocs de terre crue sont alors fabriqués sur place, grâce à une station de préfabrication foraine, qui permet la réalisation de blocs compactés aux dimensions souhaitées.
En l’absence de FDES dédiée au matériau pisé, le poids carbone du matériau est considéré égal au seul transport, soit 351 tonnes de matériaux. Ainsi, 1 m² de mur pisé présente un poids carbone 10 fois moins grand que les murs à ossature bois constituant l’intérieur des arches, ou encore 20 fois moins grand qu’un mur de béton de 20 cm.
Sur le projet, cette solution constructive pisé répondait ainsi parfaitement aux enjeux d’une construction bas-carbone. Pour autant, sa mise en œuvre sur un bâtiment neuf a nécessité des études approfondies pour justifier l’adéquation de cette solution aux différentes règlementations en vigueur
Enveloppe pisé et RT2012
Les façades en pisé du projet ne font l’objet d’aucun doublage, ni intérieur ni extérieur. La conductivité thermique du pisé est évaluée à λ = 0,9 W/m².K. La résistance thermique des façades pisé du projet varie ainsi de R = 0,75 m².K/W à R= 0,90 m².K/W.
En moyenne, la résistance thermique des façades pleines du projet, en intégrant les parties en ossature bois est de 2,1 m².K/W, ce qui correspondrait à une isolation standard homogène de 8 cm d’épaisseur environ.
Dans cette situation, les performances obtenues sur le projet au regard de la RT 2012 correspondent à Cep- 20% et Bbiomax – 12% : le projet respecte largement les exigences thermiques règlementaires.
Enveloppe pisé et performance thermique prévisonnelle
Au-delà des études thermiques règlementaires, le bâtiment a fait l’objet de simulations thermiques dynamiques, en vue d’évaluer le confort thermique dans le bâtiment, et d’établir un bilan de consommations « réaliste ».
Les résultats obtenus avec cet outil permettent de relativiser l’impact sur les consommations en énergie primaire d’une moindre isolation de l’enveloppe thermique : si les besoins de chauffage sont augmentés de 50% par rapport à un bâtiment présentant une résistance thermique de façade R = 5 W/m².K, sur le total des consommations énergétiques, la surconsommation associée sur une année type n’est que de 2%.
Enveloppe pisé et confort thermique d’été
Une analyse approfondie de l’intérêt du pisé pour le confort thermique d’été a également été réalisée par STD.
Les enseignements de cette étude montrent que le pisé non isolé permet un gain significatif de confort d’été, en particulier lorsque le bâtiment ne fait l’objet d’aucun recours à un système de rafraîchissement actif. L’écart de températures intérieures constaté est alors toujours supérieur à 1°C. Ainsi, le pisé agit comme un « retardateur de climatisation », en complément des autres dispositifs pris sur le projet (ventilation naturelle nocturne, brasseurs d’air…).
En cas de canicule, un rafraîchissement actif de l’air soufflé dans les plateaux de bureaux est réalisé par la mobilisation de la PAC intégrée aux centrales de traitement d’air double flux adiabatiques du projet.
La pertinence de ce matériau historique est ainsi accrue aujourd’hui, pour répondre aux situations caniculaires amenées à se reproduire plus fréquemment sur le territoire.