Focus

Analyses de Cycle de vie en RE2020

Une période transitoire de 3 ans qui avantage les produits évalués sous l’ancienne norme.

La fin de l'année 2022 signe l'obligation d'évaluer l'impact carbone des produits de construction (utilisés notamment dans le cadre de la RE2020) sous une nouvelle norme européenne (EN 15804+A2), tandis que pour les produits déjà évalués sous l'ancienne norme, trois années de tolérance sont accordées. La cohabitation de ces 2 normes pose de nombreuses questions aux acteurs de la construction : données concurrentielles incomparables, risque sur les évaluations RE2020...

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Le contexte : un nouveau cadre pour les FDES

La réalisation des FDES est encadrée par la norme EN15804 et par son complément national en France. En novembre 2019, un nouvel amendement à cette norme (A2) a été publié à l’échelle européenne (en remplacement de l’amendement A1 alors en vigueur). 3 ans plus tard, le complément national français entre en vigueur.

Ainsi, toutes les FDES dont la date de vérification est postérieure au 01/11/2022 doivent être conformes à la norme EN15804+A2.

Il est encore possible de publier des FDES version A1 sur INIES jusqu’au 31/12/2022, sous réserve qu’elles aient été vérifiées avant le 1er novembre.

A l’heure actuelle, la quasi-totalité des FDES présentes sur INIES sont en version A1.

Les FDES sont valables 5 ans, toutefois les FDES version A1 seront valables uniquement jusqu’au 31/12/2025.

La nouvelle norme, ça change quoi ?

Le principe du cycle neutre pour le carbone biogénique se traduit par un bilan nul pour l’indicateur de réchauffement climatique biogénique (nouvel indicateur) en statique sur 50 ans.
L’exemple ci-contre montre une différence significative selon l’amendement A1 ou A2 pour les produits biosourcés (qui stockent du carbone). Cet impact est atténué en calcul dynamique (pondération en fin de vie).
Le principe du cycle neutre pour le carbone biogénique se traduit par un bilan nul pour l’indicateur de réchauffement climatique biogénique (nouvel indicateur) en statique sur 50 ans. L’exemple ci-contre montre une différence significative selon l’amendement A1 ou A2 pour les produits biosourcés (qui stockent du carbone). Cet impact est atténué en calcul dynamique (pondération en fin de vie).

L’amendement A2 introduit 2 changements majeurs :

  • Cycle neutre pour le carbone biogénique, c’est-à-dire que le carbone stocké dans le produit est considéré réémis à 100 % en fin de vie. Ce n’est pas le cas avec l’amendement A1 qui prend en compte un déstockage sur 100 ans uniquement.
  • Calcul obligatoire du module D (potentiel de recyclage, réutilisation et récupération), y compris s’il s’agit d’un malus. Aujourd’hui cet indicateur est facultatif et est donc intégré quasi uniquement lorsqu’il s’agit d’un bénéfice.

La norme EN15804+A2 introduit aussi de nouveaux indicateurs et notamment la décomposition en 3 de l’indicateur de réchauffement climatique : fossile, biogénique (dont le total doit être nul) et lié à l’occupation des sols.

Une analyse à adapter au contexte géographique

La neutralité du cycle de carbone biogénique a un fort impact sur les produits biosourcés, qui intégraient jusqu’ici un relargage partiel et non total en fin de vie. Plus le produit présente un stockage carbone fort, plus le changement de norme pourra être impactant.

Sur les quelques produits qui affichent déjà le calcul du réchauffement climatique biogénique, on observe une forte augmentation de l’impact carbone du produit de l’ordre de 15 à 30 % entre A1 et A2 (calcul dynamique sur 50 ans).

Ce changement de norme dessert donc les éléments biosourcés.

Si cela remet en cause les ordres de grandeur et pratiques acquises récemment avec l’entrée en vigueur de la RE2020, il faut toutefois comparer cet impact à celui encore en vigueur en 2021, à savoir la méthode E+C- avec calcul statique et prise en compte d’un tiers du module D. Par rapport à cette méthode, l’impact carbone d’un produit biosourcé conforme A2 reste meilleur comme l’illustrent les exemples suivants.

Les murs CLT pris comme exemple (99 % bois) présentent un bilan carbone négatif qui s’explique par :
<ul> <li>Le stockage du carbone lors de l’étape de fabrication (stockage = impact compté en -) 
<li> La production de chaleur et d’électricité lors de l’incinération d’une partie du produit déposé en fin de vie (module D négatif) 
<li> Des émissions  (comptées en +) liées à la fabrication (peu énergivore), une mise en œuvre générant peu de pertes et de déchets, une durée de vie de 100 ans sans entretien.</ul> <br/>Ce produit stocke beaucoup de carbone biogénique, d’où un impact très marqué du changement de norme.
Les murs CLT pris comme exemple (99 % bois) présentent un bilan carbone négatif qui s’explique par :
  • Le stockage du carbone lors de l’étape de fabrication (stockage = impact compté en -)
  • La production de chaleur et d’électricité lors de l’incinération d’une partie du produit déposé en fin de vie (module D négatif)
  • Des émissions (comptées en +) liées à la fabrication (peu énergivore), une mise en œuvre générant peu de pertes et de déchets, une durée de vie de 100 ans sans entretien.

Ce produit stocke beaucoup de carbone biogénique, d’où un impact très marqué du changement de norme.
Ce produit a un impact en fin de vie 4 fois plus important que son impact en fabrication, d’où une forte évolution à la baisse entre le calcul statique et dynamique. De plus, un recyclage à 100 % est considéré en fin de vie, permettant une économie de matériaux classiques, ce qui est valorisé par un module D négatif. <br/>
<br/>Le liant végétal de ce produit stocke une petite quantité de carbone biogénique, d’où une hausse modérée liée au changement de norme.
Ce produit a un impact en fin de vie 4 fois plus important que son impact en fabrication, d’où une forte évolution à la baisse entre le calcul statique et dynamique. De plus, un recyclage à 100 % est considéré en fin de vie, permettant une économie de matériaux classiques, ce qui est valorisé par un module D négatif.

Le liant végétal de ce produit stocke une petite quantité de carbone biogénique, d’où une hausse modérée liée au changement de norme.

Les autres produits impactés suivant la gestion de leur fin de vie 

Il est très difficile aujourd’hui d’évaluer l’impact lié à l’introduction systématique d’un module D pour l’ensemble des produits (bénéfices et charges).

Sur la base des produits qui affichent déjà des modules D « malus » à titre indicatif, on observe une augmentation de l’impact carbone des produits très variable, de l’ordre de quelques pourcents pour des produits bétons ou verriers, jusqu’à 15 ou 30 % pour des produits

métalliques (ossature acier, treillis soudé), voire plus pour des produits complexes à déposer et valoriser en fin de vie (coffres de volets roulants par exemple).

Pour certains produits, ces évolutions pourront être modulées par une optimisation (à mener par les fabricants) des traitements pris en compte en fin de vie.

Les exemples étudiés, pour l’instant sur la base de FDES A1, montrent un impact très variable lié à la prise en compte des charges comptabilisées dans le module D
Les exemples étudiés, pour l’instant sur la base de FDES A1, montrent un impact très variable lié à la prise en compte des charges comptabilisées dans le module D

Dans les 3 prochaines années : un risque à jauger pour les concepteurs, et une vigilance à avoir pour évaluer le positionnement concurrentiel de différentes références commerciales 

La base INIES va bientôt intégrer des FDES version A1 et version A2. En conséquence, les ACV des bâtiments aussi (dès qu’une FDES A2 est publiée, sa version A1 disparait). Or, lors de son assemblée annuelle en 2020, l’INIES elle-même indiquait qu’entre ces 2 versions de la norme, « les valeurs d’impacts ne sont plus comparables » et que la cohabitation sera « difficile ». En effet, comment choisir le produit le plus vertueux pour un bâtiment, si la méthode d’évaluation de son impact diffère ?

L’intégration systématique de FDES A2 au plus tôt dans les ACV de bâtiments permettra de sécuriser les projets au regard de la réglementation. Pour autant, cette méthode pourrait être fortement pénalisante à court terme, avec une augmentation des impacts carbone plus ou moins marquée de tous les produits.

D’autant qu’il n’y a pas d’obligation de mettre à jour les FDES dans les calculs RE2020 à chaque phase, y compris à la livraison du bâtiment (une FDES intégrée en conception peut être conservée dans le calcul à livraison, sous réserve que le produit posé soit conforme à celui pris en compte dans le calcul).

Durant cette période transitoire, dont la durée effective repose en grande partie sur la capacité d’INIES à inciter les fabricants à publier rapidement des FDES A2, une réflexion au cas par cas sera nécessaire. De même qu’une grande vigilance sur la comparaison des produits, qui, notamment, ne peut pas s’appuyer sur la visualisation actuelle de l’interface INIES (en statique, avec un module D toujours caché dans les indicateurs optionnels).

En attendant le déploiement effectif d'A2, l'anticipation de ces évolutions pousse d'ores et déjà à faire une analyse fine des fiches sélectionnées sur les projets (favoriser des produits bien valorisés en fin de vie , évaluer la part liée au stockage de carbone biogénique pour les biosourcés…), et incite à regarder plus loin que le résultat calculatoire de l'ACV dont on voit que la méthodologie et le cadre bougent énormément.